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[Rue 89] PSG : 3 ans de guerre contre ses supporters

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PSG : trois ans de guerre contre ses supporters, en dix histoires

    Les supporters historiques du Paris Saint-Germain ne profitent pas du grand retour de leur club sur la scène européenne. Depuis 2010, le PSG leur mène la vie dure.


    Des supporters du PSG à Valence, en 1/8e de finale de la Ligue des Champions, 12 février 2013 (Jose Jordan/AFP)

    Ils seront 2300 à effectuer le déplacement officiel, mercredi soir, à Barcelone, remplissant seulement un peu plus de la moitié du parcage réservé aux visiteurs. Le PSG avait réservé la vente à ses abonnés. Plusieurs centaines d’autres supporters sont attendus au Nou Camp, en dehors de la tribune parisienne.

    Il y a dix-huit ans, pour le premier quart de finale en Ligue des Champions du club parisien, ils étaient 3500, pour un match aller. A l’époque, le PSG, relativement moins riche, avait affrété des avions pour aider les supporters à se déplacer.

    Ça, c’était quand le club entretenait ne menait pas la guerre à ses supporters. Depuis le « plan Leproux » [du nom de l’ancien président du club qui l’a mis en place à l’été 2010, ndlr], et même quelques années avant, il ne fait pas bon être supporter parisien si l’on ne se contente pas de s’asseoir gentiment et en famille au Parc des Princes, après avoir fait un tour à la boutique officielle.

    Ceux qui s’essaient depuis près de trois ans à contester la politique menée par le club ou qui tentent de suivre le PSG en déplacement, souvent par leurs propres moyens, se heurtent au couperet intransigeant des pouvoirs publics et de la direction du club de la capitale.

    Depuis trois ans, le Paris Saint-Germain, avec la complicité du ministère de l’Intérieur, prend des mesures retorses au mieux, liberticides au pire, à l’encontre de ses supporters.

    A travers dix exemples peu ou pas médiatisés, retour sur la façon dont le club parisien a fait taire la contestation.

    Août 2010 : 249 interdictions de stade pour une manifestation

    C’est le 7 août 2010, premier jour de la mise en place du plan Leproux, que les ultras parisiens ont compris que leur vie de supporter allait devenir un enfer. 

    En marge de PSG-Saint-Etienne, premier match de l’année, plusieurs centaines de supporters se réunissent pour manifester contre ce plan qui exclut les associations organisées du stade et ne permet plus de choisir sa tribune. La manifestation se déroule dans le calme et s’achève par un sit-in sur la chaussée, aux alentours du Parc des Princes.

    Peu avant le début du match, les manifestants sont encerclés par les forces de l’ordre puis placés en garde à vue. Brice Hortefeux, alors ministre de l’Intérieur, réclame des « interdictions administratives de stade (IAS) en urgence », qui sont délivrées quelques jours plus tard. C’est un coup de filet facile dans le monde des ultras parisiens : 249 personnes se retrouvent interdites de stade pour trouble à l’ordre public, pour une durée de six mois avec obligation d’aller pointer au commissariat.

    Le collectif 07/08 – date de l’incident – s’est saisi d’une dizaine de cas, ceux des supporters qui voulaient et pouvaient financièrement s’engager dans la procédure. A chaque fois, l’IAS a été annulée et 1 000 euros en moyenne ont été versés au supporter. Selon le tribunal, le trouble à l’ordre public n’était pas fondé.

    Mais nombre de supporters contestataires ont été découragés par ce premier coup de force des pouvoirs publics.


    Banderole de supporters, dernier match avant le « plan Leproux », mai 2010 (PSGMag/Flickr)

    Février 2011 : places annulées sur la base d’adresses IP

    Lors de la saison 2010-2011, plusieurs centaines de supporters parisiens boycottent le Parc des Princes et les déplacements officiels organisés par le PSG afin de manifester leur opposition à la politique du club. Parfois, ils décident quand même de se regrouper en tribunes latérales au Parc ou à l’extérieur pour faire entendre leur mécontentement.

    Comme à Rennes, ce week-end de février 2011, où ils sont près de 250 à avoir acheté des billets dans la même tribune, jouxtant le secteur visiteur. Quelques jours avant le match, le ministère de l’Intérieur ordonne au Stade Rennais, via la préfecture d’Ille-et-Vilaine, d’annuler 249 billets achetés sur Internet dans la tribune proche du secteur visiteur pour « des personnes résidant à Paris et dans la grande région parisienne ». Et donc présumés un peu vite supporters du PSG.

    Le quotidien local, Ouest France, évoque une décision qui place le club breton aux frontières de la légalité. Les supporters lésés font en effet valoir les problèmes de rupture contractuelle et de refus de vente pour « des raisons discriminatoires tenant à l’origine ». Et puis, pour procéder à ces annulations, le Stade Rennais a dû rechercher dans ses fichiers les origines géographiques des acheteurs au moyen des adresses IP localisant les ordinateurs. Ce qui est contraire à la Loi informatique et libertés.

    Deux ans après les faits, les supporters ayant entamé une procédure pour rupture contractuelle abusive ont été déboutés par un tribunal de proximité. En revanche, une plainte est toujours en cours auprès de la CNIL, concernant la recherche d’adresses IP. La Commission n’a toujours pas rendu de décision.

    Décembre 2011 : interdits de stade pour « outrage public à la pudeur »

    La Coupe d’Europe a cette particularité d’exciter les supporters migrateurs, dont ceux du PSG. Le 2 décembre, Paris se déplace en Autriche pour affronter le Red Bull Salzbourg. Encore une fois, certains supporters privilégient les places en tribunes latérales pour être libres de leur mouvements.

    Quatre d’entre eux montrent ainsi leurs fesses en tribune, pendant plusieurs secondes. Ce qui dans un stade de rugby serait considéré comme une animation sympathique n’est pas vu de la sorte par les stadiers autrichiens :  ils sont expulsés du stade et condamnés à payer une amende aux autorités locales.

    Revenus de leur périple, ils reçoivent un courrier de la préfecture de police de Paris leur notifiant une interdiction administrative de stade de 3 mois, avec obligation de pointer au commissariat. Motif : « Outrage public à la pudeur » qui aurait engendré « un comportement d’ensemble qui constitue une menace pour l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens ».

    Un outrage public à la pudeur qui ferait probablement rire Mark Roberts, le célèbre « streaker » anglais, dont les supporters parisiens sont encore très loin d’égaler les 506 intrusions, nus, sur un terrain.

    Surtout, les quatre supporters incriminés, estimant que l’affaire avait déjà été réglée auprès des autorités autrichiennes et que la préfecture de police de Paris ne peut délivrer d’IAS pour des faits commis à l’étranger, ont demandé l’annulation de ces interdictions devant le tribunal administratif. L’affaire est encore en cours d’instruction.

    Mars 2012 : interdits de stade sans contrôle d’identité

    Début mars 2012, les nombreux motifs de désaccord entre les supporters contestataires et la direction du club se cristallisent autour d’une lettre ouverte envoyée au PSG dénonçant « la supercherie du plan sécuritaire » et réclamant une « nouvelle gestion du département supporter », à travers, notamment, le départ de Jean-Philippe d’Hallivillée, directeur sécurité du PSG.

    Pour se faire également entendre des joueurs, une cinquantaine de supporters s’invitent au Camp des Loges lors d’un entraînement du PSG. Certains s’en prennent à un journaliste de l’Equipe TV qui les filme, pendant que deux autres obtiennent finalement de rencontrer Mamadou Sakho et Claude Makélélé pour expliquer leurs revendications. Les supporters quitteront le Camp des Loges en allumant des fumigènes.

    Une semaine plus tard, plus d’une dizaine d’interdictions de stade s’abattent sur certains des supporters présents alors qu’aucun contrôle n’avait été effectué au Camp des Loges. Tous les leaders des groupes contestataires sont touchés et écartés, d’abord en urgence pour un mois, avant de recevoir une interdiction de 6 mois.

    C’en est trop pour le collectif Liberté pour les Abonnés, qui tentait en vain d’instaurer un dialogue avec le PSG pour le retour d’abonnements fixes en virage. Plusieurs de ses responsables sont touchés par ces interdictions de stade. L’association décide de s’autodissoudre. La plupart des IAS reçues ce jour-là font l’objet d’une procédure en cours devant le tribunal administratif.


    Un bus de Liberté pour les Abonnés, à Paris, le 7 novembre 2010 (Fred Dufour/AFP)

    Septembre 2012 : annulation de places pour un match du PSG handball

    Lors de l’été 2012, les stars ont débarqué au PSG, les abonnements ont nettement augmenté et le PSG surveille précautionneusement le Parc des Princes. Plusieurs supporters qui veulent jouir de davantage de liberté et de tarifs plus avantageux décident d’aller voir ce qui se passe du côté du PSG Handball, lui aussi renforcé par de nombreuses stars.

    Le 14 septembre, le nouveau riche du championnat débute sa saison face à Cesson-Rennes. Plusieurs supporters envisagent de s’y retrouver pour aller chanter « et mettre une bonne ambiance », explique un supporter présent sur place.

    Mais la veille du match, tous ces supporters reçoivent une lettre du PSG Handball les informant de l’annulation de leur billet :  « il est parvenu à notre connaissance que vous seriez actuellement sous le coup d’une interdiction de stade », précise le courrier. Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du PSG, confirme le motif à l’AFP.

    Sauf que la plupart des supporters présents n’ont jamais fait l’objet d’une interdiction de stade et n’ont même jamais eu affaire aux services de police, sinon pour un contrôle d’identité. Convaincus de faire partie d’une liste noire établie par la préfecture de police de Paris, à l’occasion de contrôles d’identité de supporters au cours de la saison précédente, et transmise au PSG, une trentaine de supporters saisit la CNIL.

    Une plainte pour constitution illégale de fichiers est déposée et un accès à la fameuse liste est demandé. La Commission a répondu aux supporters qu’elle s’était rapprochée du PSG et de la préfecture de police de Paris et qu’elle était « en train d’instruire les suites à donner au dossier ».


    Des supporters du PSG handball à Paris le 14 septembre 2012 (Kenzo Tribouillard/AFP)

    Septembre 2012 : interdits de stade en marge d’une conférence de presse

    Lors de la conférence de presse du PSG précédant le match contre Kiev, le 17 septembre dernier, une trentaine de supporters contestataires manifestent autour du Parc des Princes, allumant des fumigènes aux chants de « Rendez-nous nos abonnements… Des ultras à Paris ! ».

    « Histoire de rappeler au PSG qu’on est toujours là », explique Julien qui faisait partie du cortège. A l’issue de cette manifestation, les supporters se scindent en différents groupes, puis rejoignent le métro. Julien est alors contrôlé par des CRS, arrivés à l’issue de la manifestation :

    « Au départ, ils m’ont dit qu’ils faisaient seulement un contrôle d’identité et que je n’aurai rien. »

    Un mois plus tard, il reçoit une interdiction administrative de stade de 6 mois. Motif : « participation à une manifestation non-autorisée sur la voie publique » au cours de laquelle « des fumigènes ont été allumés et des insultes contre les dirigeants du PSG proférées ». Ce qu’on pourrait constater dans n’importe quelle manifestation ouvrière, où fumigènes et insultes sont considérées comme du folklore, sans qu’il y ait de sanction. 

    Surtout, pour Jean-Jacques Bertrand, juriste spécialiste en droit du sport : 

    « La sanction paraît complètement disproportionnée. Les faits doivent intervenir à l’occasion d’une manifestation sportive, or ce n’est pas le cas pour cette interdiction puisque les faits se sont déroulés en marge d’une conférence de presse et sur la voie publique. Devant le peu de motivation de ce genre d’IAS, le préfet s’expose à une annulation si le supporter conteste son IAS devant le tribunal administratif. »

    Sauf que, souvent, le supporter concerné ne conteste pas son IAS par manque de moyens, comme Julien.

    Nouveauté cette saison : le PSG s’est donné la possibilité, dans ses conditions générales de vente, d’étendre l’interdiction de vente de billets à ce supporter de six mois supplémentaires, soit jusqu’au 20 octobre 2013. Une double peine.

    Octobre 2012 et un peu tout le temps : interdiction de déplacement des supporters parisiens

    Pour contrer le déplacement des supporters contestataires par leurs propres moyens, les pouvoirs publics ont trouvé la parade, quitte à sérieusement entraver la liberté de circulation.

    Comme à Nancy, le 27 octobre dernier. Deux jours seulement avant le match, le préfet de Meurthe-et-Moselle publie un arrêté interdisant à « toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Paris Saint- Germain ou se comportant comme tel, alors qu’elle est démunie de billet […] d’accéder au stade Marcel-Picot ou de circuler sur la voie publique dans le périmètre délimité ». Aucun contentieux n’oppose pourtant les supporters parisiens et nancéiens.

    Rebelote, quelques mois plus tard, le 17 mars 2013, à Saint-Etienne. Pour ceux qui ont le malheur de supporter le PSG en dehors de l’Ile-de-France, mieux vaut se calfeutrer chez soi lorsque le club de la capitale est de passage et qu’un tel arrêté est en vigueur.

    A l’origine, ces arrêtés préfectoraux, souvent appuyé par un décret du ministère de l’Intérieur, avaient un caractère exceptionnel et visaient surtout à prévenir un affrontement entre des supporters rivaux. Mais, depuis la saison dernière, la mesure s’est généralisée.

    Réservée au départ aux supporters parisiens, elle s’applique désormais aux Corses, Niçois ou Marseillais. Un recours systématique qui interroge quant à la gestion des flux de supporters lors de l’Euro 2016 en France.

    Février 2013 : bloqués 8 heures dans un bus

    Une association de supporters anciennement pensionnaires du virage Auteuil, les Microbes, organise un déplacement en bus. Comme quinze jours auparavant pour un match du PSG à Bordeaux. Partis très tôt le matin de Paris, les bus sont arrêtés à un péage aux alentours de Toulouse vers 13h30 par les forces de l’ordre.


    Des CRS vus du bus de supporters

    Contrôle du bus, palpations des supporters et prise d’identités. Jusque-là, une procédure relativement habituelle pour les supporters en déplacement. Sauf qu’au lieu de les escorter ensuite jusqu’au stade, les policiers emmènent les bus près d’une décharge et obligent les supporters à patienter à l’intérieur pendant plus de 8 heures sans boire, ni manger et sans leur fournir d’explications.

    Un supporter raconte l’épisode deux jours plus tard sur Rue89 :

    « A 19h30, on sait bien que l’on ne verra pas le match. On a faim, soif et plus de clopes. On est à bout. Quelques insultes fusent. Un pote craque, il prend son sac et veut partir. Il sort, nous sommes une dizaine à le suivre mais les gendarmes le repoussent. Ils ne veulent pas cogner mais ont reçu ordre de nous séquestrer.

    Tout le monde descend, on n’en peut plus, tout comme le chauffeur qui n’a pas dormi depuis notre départ il y a maintenant 15 heures. »

    Les passagers des bus sont pourtant tous en possession de billets valides pour assister à la rencontre, même s’ils comptent dans leurs rangs trois interdits de stade, selon Antoine Boutonnet, chef de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH).

    A la mi-temps du match entre Toulouse et le PSG, les supporters parisiens sont reconduits vers la capitale sans avoir pu assister à la rencontre.

    Même le consultant de Canal+ Pierre Ménès, pourtant pas réputé pour sa tendresse avec les supporters, prendra leur défense.

    Février 2013 : les écharpes du PSG interdites au Stade de France


    Supporters du PSG tendant leurs écharpes, à Sochaux, 27 janvier 2007 (Dominique Faget/Rue89)

    En octobre 2012, certains supporters contestataires avaient profité d’un France-Japon qui n’intéressait pas grand monde pour mettre de l’animation au Stade de France. Et faire entendre leurs revendications aux cris de « Liberté pour les abonnés », « Des ultras à Paris », « Fin des IAS abusives », agrémentées de quelques fumigènes et pétards.

    Quelques mois plus tard, le 8 février, l’Allemagne se présente au Stade de France pour un autre match amical. A l’entrée, plusieurs supporters du PSG venus avec une casquette, une écharpe ou un maillot du club de la capitale sont priés de laisser leurs couleurs à la consigne sous peine de se voir interdire l’entrée dans le stade. Choqués, certains repartent sans même assister à la rencontre.

    « On ne voulait pas prendre le risque de trouble à l’ordre public », indique la Fédération française de football à l’origine de cette interdiction. Avant d’ajouter pour se dédouaner :

    « Nous avons demandé à toute personne ayant un maillot ou une écharpe d’un club de le laisser à la consigne. La règle était la même pour les supporters allemands. »

    Plusieurs témoins assurent pourtant avoir aperçu à l’intérieur de l’enceinte différents maillots de club, des drapeaux étrangers et même… un homme avec le maillot du PSG. Un steward avait mal fait son travail.

    Février 2013 : interdit de stade pour une écharpe de groupe dissous

    C’était il y a quelques semaines, lors de PSG-OM en championnat. Mathieu, un supporter parisien, brandit une écharpe lors de l’entrée des joueurs, comme il est de coutume de le faire. A la 50e minute, plusieurs stadiers viennent le chercher et l’emmènent au commissariat du Parc des Princes. Le problème ? C’est son écharpe, lui disent les policiers.

    Sur l’une des deux faces, il est écrit « Authentiks », association de supporters proche du virage Auteuil et dissoute en avril 2010. Mathieu fait valoir qu’il n’a jamais été membre de ce groupe, qu’il en a acheté l’écharpe en 2006 parce qu’il était abonné dans la même tribune que l’association – la G. En vain.

    Une semaine plus tard, il reçoit un courrier de la préfecture de police de Paris lui notifiant une interdiction administrative de stade de 3 mois. Comme pour Julien cité plus haut, le PSG lui annonce dans un courrier qu’en plus de désactiver son abonnement jusqu’à la fin de la saison, aucune place ne lui sera vendue jusqu’au 9 décembre 2013. PSG-Barça, ce ne sera pas pour lui.

    Ecrit par : Anthony Cerveaux

Dernière modification le vendredi, 26 avril 2013 19:37